Fraîches, fermentées ou sur une tarte : les pommes d’Aomori
Aomori est l’une des destinations touristiques les plus emblématiques du Japon grâce à ses multiples charmes, tels que son spectaculaire festival Nebuta ou sa flamboyante musique Tsugaru-jamisen. Mais cette préfecture qui se situe à la pointe septentrionale de l’île de Honshu a aussi un côté plus doux. Ou plutôt, un côté plus croquant : Aomori est la principale préfecture productrice de pommes de l’Archipel.
Un paradis pour les amoureux des pommes
« Les premiers pommiers d’Aomori ont été plantés il y a 150 ans. Aujourd’hui, ils font partie du quotidien de notre préfecture. Lorsque j’étais encore un jeune garçon, la pommeraie familiale était mon terrain de jeu. »
Kazuomi Ose vérifiant les pommes prêtes à être ramassées au Hirosaki Apple Park.
Kazuomi Ose est le responsable du Hirosaki Apple Park. Ce paradis pour les amoureux des pommes dispose de quelque 80 variétés qui poussent sur plus de 2 300 pommiers répartis sur un terrain de 9,7 hectares. D’août à novembre, les visiteurs peuvent venir y ramasser de grosses pommes rouges directement sur les arbres dans le cadre d’une expérience de cueillette (payante).
Quand elles sont mûres, les pommes se détachent facilement des branches.
Remarquez la technique d’utilisation de l’index pour garder la tige intacte.
En dehors de la saison de la récolte, des pommes fraîches et des cadeaux souvenirs liés aux pommes sont disponibles toute l’année au centre d’accueil des visiteurs Apple House, qui héberge également des expositions et des activités axées autour de la culture des pommes de la préfecture. Au mois de mai, le parc – de même que la majeure partie de la préfecture – se recouvre des délicates fleurs blanches des pommiers, qui rivalisent même avec les fleurs de cerisiers de Hirosaki renommées pour leur beauté époustouflante.
Une pommeraie en pleine floraison avec le sommet enneigé du mont Iwaki en arrière-plan.
Croquant et goût sucré : les secrets du sol d’Aomori
Qu’est-ce qui rend les pommes d’Aomori spéciales ? D’après M. Ose, leur goût sucré est l’un des facteurs. Durant plus ou moins les cent premières années de la production des pommes au Japon, les clients préféraient celles qui étaient acidulées. Mais lorsque les produits tropicaux, tels que la banane, sont devenus plus largement disponibles dans les années soixante, les Japonais se sont découvert un penchant pour les fruits plus sucrés. Les pommes au Japon sont devenues de plus en plus sucrées depuis lors, avec certaines variétés comme la Fuji venant remplacer les anciennes favorites, telles que la Kogyoku.
« Les variétés de plus grande taille sont également populaires auprès des touristes », dit M. Ose. « Les pommes Hokuto et Toki, toutes deux développées à Aomori, sont particulièrement appréciées. »
Les pommes d’Aomori sont par ailleurs délicieusement croquantes, notamment grâce aux forts écarts de températures entre le jour et la nuit dans la préfecture. S’il fait trop chaud, les pommes ramollissent et ne sont pas en mesure d’acquérir leur couleur, mais le temps à Aomori est parfaitement équilibré.
« Il est à noter que chaque pommeraie dispose de son propre terroir unique », ajoute M. Ose. « Des pommes de la même variété n’auront pas le même goût en fonction du sol sur lequel elles sont cultivées. »
Une pommeraie d’Aomori à la saison de la récolte, avec seules quelques traces de neige recouvrant encore le mont Iwaki.
Tranches en étoile et tarte aux pommes
Une façon populaire de déguster les fraîches pommes d’Aomori est en « tranches en étoile ». On coupe la pomme horizontalement, avec le cœur au centre de chaque tranche qui forme une étoile. On retire parfois le cœur de la pomme à l’avance, mais on laisse habituellement la peau : le contraste des couleurs, le croquant supplémentaire et l’umami font partie de l’expérience.
Les produits transformés à base de pomme sont également populaires aussi bien auprès des habitants de la région que des visiteurs. La tarte aux pommes est l’un des mets les plus appréciés, et l’on trouve des cafés proposant leur propre version maison de la recette classique dans l’ensemble de la préfecture. On peut aussi facilement se procurer du jus de pomme, généralement préparé à partir d’un mélange de variétés sucrées et acidulées pour un goût plus intense. Et, bien sûr, il y a le cidre de pomme.
Les tartes et pâtisseries aux pommes sont une spécialité d’Aomori.
Création d’une tradition locale de cidre
« Des boissons à base de pommes sont brasées à Aomori depuis aussi longtemps qu’on y cultive des pommes », nous raconte Satoshi Takahashi, fondateur de la cidrerie Kimori qui se trouve à l’intérieur du Hirosaki Apple Park. « Mais les véritables cidres que l’on trouve de nos jours sont nés avec Asahi Cidre, créé par Isamu Yoshii en 1954. »
Satoshi Takahashi, le fondateur de la cidrerie Kimori
Le toit en pointe reconnaissable de Kimori est un point de repère pratique à l’intérieur du Hirosaki Apple Park.
Bien qu’ayant étudié le brassage du cidre en Europe, M. Yoshii et ses brasseurs ont mis au point une tradition à part qui se libère des strictes restrictions en matière de goût imposées dans certains pays. « Les visiteurs nous font souvent remarquer que notre cidre est “fort en pomme” », explique M. Takahashi. « C’est parce que tout part de notre respect pour les pommes elles-mêmes. Le cidre est une autre façon pour nous de partager les charmes des pommes d’Aomori. »
À déguster seul, M. Takahashi recommande un cidre doux afin d’apprécier le goût « fort en pomme » tel quel. Mais il précise que pour accompagner un repas, notamment les aliments traditionnels du nord du Japon encore préservés, un cidre plus acidulé permet souvent de mettre en valeur de manière plus subtile les saveurs d’origine.
Dans un cas comme dans l’autre, M. Takahashi encourage les visiteurs à se renseigner sur l’histoire du cidre avant de boire une première gorgée. « Il a vraiment meilleur goût comme cela », ajoute-t-il en souriant.
Kimori produit du cidre brut et doux chaque année, la disponibilité des autres variétés dépendant de la récolte.
Des traces des samouraïs
M. Takahashi a lui aussi une histoire à raconter. Il a grandi à Aomori, est parti à Tokyo où il a mené une carrière couronnée de succès dans l’industrie de la télévision, avant de revenir aux pommeraies de son enfance et de s’y découvrir une fascination pour le défi que représente la taille pour la fructification.
La taille, explique M. Takahashi, permet de stimuler la croissance des fruits en perturbant l’équilibre entre les branches et les racines d’un arbre. Chaque entaille peut exercer une influence sur le goût des fruits. Cela fait de chaque arbre un puzzle unique, et ce n’est qu’au moment de la récolte que l’on peut constater si l’on a réussi.
« Il pleut plus dans le nord d’Aomori que les pommes n’en ont réellement besoin », dit-il. « C’est pour cela que la taille et l’entretien de tous les pommiers en général sont d’autant plus importants. »
Aujourd’hui encore, les sécateurs d’Aomori se distinguent par leur design unique. Certains estiment que cela découlerait d’une influence d’anciens forgerons de sabres, qui seraient passés de la fabrication de katanas à celles de sécateurs après l’abolition du shogunat dans les années 1860 et le changement d’activité d’anciens samouraïs s’étant mis à cultiver des pommes.
Des sécateurs antiques exposés à l’Apple House
Cela fait maintenant bien longtemps qu’il n’y a plus de samouraïs, mais l’amour qu’Aomori porte à ses pommeraies est plus fort que jamais. Le terme japonais « kimori » fait référence au fait de laisser un seul fruit que l’on ne cueille pas, généralement au sommet de l’arbre, pour que les oiseaux le mangent. Cet esprit de rendre quelque chose à la nature symbolise le soin apporté et les efforts entrepris pour que les pommes d’Aomori soient autant aimées des habitants de la préfecture que des visiteurs.
Un tableau où est représenté un kimori est accroché au mur de la cidrerie Kimori.
