Le raffinement des fruits japonais : les tartes pleines de créativité de Charles-Henry

(Photo : le design de la tarte aux fraises, comme la plupart des autres créations de Charles-Henry, est accordé au motif floral du café.)

Charles-Henry est parfaitement concentré sur sa dernière création artistique, ses doigts opérant des mouvements précis, souvent infimes, afin d’arranger un époustouflant motif coloré en trois dimensions. Ce jeune artiste français a choisi les fruits comme médium pour travailler. Mais pas n’importe lesquels, puisqu’il sélectionne chaque fruit qu’il utilise en fonction de son caractère saisonnier, de sa taille, de l’intensité de sa saveur et, évidemment, de sa couleur et de son apparence. Charles-Henry est en train de confectionner une tarte aux fraises blanche, une riche combinaison de pâte croustillante et de flan à la vanille de Madagascar, surmonté d’une mousse au fromage blanc et de couches parfaites de tranches de fraises couleur blanc-rosé, qu’il arrange en forme de fleur aux pétales épanouis avec un soin tout particulier. Il saupoudre délicatement le tout de flocons dorés pour compléter cette œuvre d’art délicate. Cette tarte, tout comme ses autres créations, sera vendue dans son café Charles-Henry décoré de motifs floraux qui se trouve dans le quartier de Tokyo très en vogue de Daikanyama.

Charles-Henry arrange soigneusement des tranches de fraise sur le dessus d’une tarte, travaillant dans la cuisine ouverte du café où les clients peuvent l’observer confectionner ses œuvres.

Professionnel aguerri, Charles-Henry a travaillé dans des restaurants étoilés au Guide Michelin au cours de sa carrière, notamment dans celui de Joël Robuchon, avant d’ouvrir son propre établissement en avril 2024. « J’ai toujours travaillé dans le monde de la cuisine gastronomique, mais les créations qui étaient préparées dans la section pâtisserie me fascinaient », nous dit-il.

Charles-Henry a mis à profit son illustre expérience de travail dans des restaurants étoilés au Guide Michelin pour son café au thème floral situé juste à la sortie de la gare de Daikanyama, l’un des quartiers les plus en vogue de Tokyo.

Charles-Henry est l’un des nombreux chefs et gastronomes internationaux à avoir découvert les merveilles des « fruits premium » du Japon. Il s’agit de fruits qui ont tendance à être plus chers que les variétés que l’on trouve dans les potagers, mais qui sont bien plus sucrés et savoureux. « Les agriculteurs japonais qui cultivent ces fruits sont très consciencieux de leur qualité », nous explique-t-il. « Ils dédient leur vie à la production des meilleurs et plus magnifiques fruits. »

Les touristes qui visitent le Japon sont souvent surpris par le prix élevé de certains fruits exposés au rayon alimentation des grands magasins, où l’on trouve par exemple des melons à 10 000 yens. Ces fruits premium ne sont pas pensés pour être consommé au quotidien, mais plutôt pour être joliment emballés et offerts en guise de cadeau pour de grandes occasions. Un niveau d’attention similaire à celui observé pour la culture et la récolte de ces melons, qui implique notamment de protéger chaque fruit individuellement alors qu’ils sont encore attachés à leur plant, et également accordé aux mangues, pommes, raisins et autres fruits.

« Il est par exemple possible de se procurer des mangues moins chères provenant de l’étranger », nous confie-t-il. « Mais certaines d’entre elles seront indubitablement talées ou abîmées. Les très prisées mangues japonaises qui sont produites à Miyazaki, quant à elles, sont toutes parfaites et absolument délicieuses. » Les mangues de Miyazaki sont réputées pour leur grande taille, leur peau d’un rouge intense ainsi que leur haute teneur en sucre qu’elles obtiennent grâce la quantité d’ensoleillement abondante du sud de Kyushu. Les producteurs prennent un tel soin de leurs mangues qu’ils les recouvrent toutes d’un filet individuel de protection lorsqu’elles sont sur l’arbre, afin d’éviter qu’elles ne s’abîment en tapant le sol lorsqu’elles tombent.

Les mangues de Miyazaki sont très appréciées pour leur peau rouge écarlate et leur goût intense, et elles sont même exportées dans d’autres pays pour les adeptes de fruits premium du Japon. (Photo:YAEKURA Noboru/AFLO)

Le Shine muscat est une variété de raisin cultivée au Japon, réputée pour sa chair sucrée et juteuse, sa peau claire et son arôme parfumé de muscat.

Les mangues de Miyazaki ne sont que l’un des fruits de saison sur lesquels Charles-Henry s’appuie au cours de l’année. « Nous modifions constamment les produits que nous proposons en fonction des fruits dont c’est la saison ainsi que de ceux qui sont le plus délicieux à un moment donné. », précise-t-il. « Je travaille avec un intermédiaire qui a des connexions avec des producteurs de tout le Japon. Il sélectionne les meilleurs, peu importe la région où ils se trouvent. » Charles-Henry s’approvisionne en différentes variétés de fruits : raisins Shine muscat de Yamanashi, figues de l’île de Sado, cerises de Yamagata et pommes de Nagano. Et il se procure aussi divers autres fruits, aussi bien frais que secs, tels que des poires, des pêches, des citrons, des mikan (un agrume japonais), des abricots, des melons, des kakis et même des raisins manicure finger, qui ressemble à des doigts dodus.

Et n’oublions pas les fraises. « Les Japonais adorent les fraises et veulent en manger tout au long de l’année, plus particulièrement en hiver », explique Charles-Henry. Les variétés varient selon la saison. Il précise que les gens veulent des fraises d’un rouge éclatant pour la saison des fêtes de fin d’année, une mode qui s’est transformée en tradition culturelle. Les variétés de couleur rose ou blanc-rosé comme nous utilisons actuellement apparaissent plus tard dans l’année », continue-t-il. « D’ici quelques semaines, ce sera la saison des fraises blanches. »

La première fois que Charles-Henry a goûté un kaki japonais, il n’a pas trop aimé. « Il ne s’est pas fait une place sur ma liste de fruits favoris », dit-il. « Mais j’ai envisagé cela comme un défi à relever. J’ai créé une tarte à partir d’un brownie au chocolat, de crème à la vanille et de kaki séché pour la texture. J’ai également ajouté du whisky, du chocolat, de l’huile d’olive et des noix de pécan dans le brownie. C’était très riche en saveurs, et c’est ainsi que j’ai appris à apprécier le kaki. »

Quels que soient les fruits qu’il utilise, Charles-Henry met l’accent sur l’importance que revêtent leur présentation et leur goût. « En fin de compte, une tarte aux fruits repose sur les fruits qui se trouvent dessus, c’est pourquoi nous essayons de les rendre spéciales, de leur attribuer une valeur supplémentaire », explique-t-il. Les fruits japonais de luxe sont particulièrement adaptés à ce type d’utilisation, puisqu’on peut en trouver de tailles, couleurs et saveurs spécifiques et régulières pour répondre à des besoins particuliers. Pour la tarte aux fraises, par exemple, il utilise des fraises plus petites. Les petits morceaux de mikan utilisés pour la soyeuse garniture orange de ses tartes aux clémentines sont tous de la même taille. Les fruits sont épluchés et chaque petit morceau de peau blanche est soigneusement retiré à la main. C’est un travail de préparation très laborieux, mais il en résulte une « apparence très propre et raffinée », nous précise-t-il.

Bien que basées sur des tartes françaises traditionnelles, celles de Charles-Henry ne sont pas les mêmes que celles que l’on pourrait trouver dans une pâtisserie au coin d’une rue parisienne, affirme-t-il. « Leurs saveurs sont similaires, puisque articulées autour de la vanille et du beurre français, mais nos tartes sont plus modernes », nous dit Charles-Henry. Il s’efforce de trouver un équilibre entre goût salé et texture, et ajoute davantage de couches pour rendre ses produits plus sophistiqués. Mais ce n’est pas seulement avec des fruits différents qu’il vient briser le moule de la pâtisserie française traditionnelle. « J’adore créer des tartes à la française avec des produits japonais que l’on ne trouve pas dans l’Hexagone », nous confie-t-il. « Aucun chef en France ne ferait de tarte aux fraises blanches ou n’imaginerait une tarte au melon ou aux raisins. »

Charles-Henry fait l’éloge des producteurs de fruits japonais de luxe qu’ils utilisent dans ses créations, vantant les mérites de leur passion et de leur dévouement à la perfection, aussi bien en ce qui concerne l’aspect visuel des fruits que leur goût.

Charles-Henry explique que l’intérêt accru à l’international pour les fruits japonais a entraîné une augmentation des exportations ces dernières années. Le Shine muscat, cette variété charnue et juteuse de raisins sans pépins devenue extrêmement populaire au Japon trouve désormais des amateurs à l’étranger. « Et n’oublions pas les mangues de Miyazaki », ajoute Charles-Henry. « Elles se sont fait une très bonne réputation à l’étranger. Un de mes amis cuisiniers à Singapour commande des mangues du Japon, même si elles sont excessivement chères. C’est un produit de luxe. »

Il recommande aux personnes en visite au Japon qui seraient intéressées par ces fruits japonais haut de gamme d’en goûter quelques-uns avant d’approfondir le sujet en s’aventurant dans les régions où ils sont cultivés. C’est une bonne raison d’explorer des coins du Japon parfois plus reculés, et de nombreux sites, notamment des exploitations de fraises et viticoles, proposent même d’en récolter soi-même. « La campagne ici est magnifique », affirme Charles-Henry. « Les agriculteurs, comme partout ailleurs, sont des gens charmants et très gentils. Et les fruits qui y sont fraîchement cueillis ont un goût fantastique. »

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