Le tofu vu sous un angle nouveau

Il n’y a encore pas si longtemps, la disponibilité et la compréhension au sujet du tofu en dehors de la sphère asiatique étaient limitées. Néanmoins, le tofu jouit désormais d’une reconnaissance bien méritée, grâce à l’augmentation considérable de l’intérêt porté à la cuisine japonaise et à ses innombrables bienfaits prouvés pour la santé.

Parfois qualifié de fromage de soja ou de caillé de soja, le tofu est fait à partir de graines de soja, d’eau et d’un agent coagulant appelé nigari (chlorure de magnésium). Le caillé de soja est généralement pressé dans des blocs, même s’il existe de nombreuses autres méthodes de préparation. Il en résulte un aliment riche en protéines et à faible teneur en graisse, dont la texture crémeuse renferme des quantités généreuses de calcium et de fer.

Depuis son enfance, Shiori Kudo adore cet aliment qui représente la quintessence de la nourriture japonaise. Malgré son intention initiale de devenir professeur de japonais et d’enseigner à l’étranger, au cours de ses études à l’université elle a cherché à en apprendre plus sur l’histoire et la culture japonaises, et a alors été de plus en plus fascinée par cet aliment traditionnel riche en protéines. Aujourd’hui devenue Tofu Meister (une certification attribuée aux spécialistes de cet aliment), cela fait plus d’une décennie qu’elle partage les joies du tofu dans l’ensemble du Japon comme dans le reste du monde.

Shiori Kudo, Tofu Meister, partage son amour pour les aliments à base de graines de soja avec des gastronomes de tout le Japon et du monde entier.

Mme Kudo nous explique ce qui fait de cet aliment une telle mine d’apports nutritionnels. « Les graines de soja sont très bonnes pour le corps, mais plutôt difficiles à digérer. En faire du tofu est l’un des meilleurs moyens d’en tirer tous les avantages nutritionnels, tout en les rendant plus tolérables pour l’estomac », nous confie la connaisseuse, qui déguste son mets favori au moins une fois par jour. « Il a été démontré qu’il aide à réduire le taux de cholestérol et que ses isoflavones peuvent apporter un soutien aux personnes en phase de ménopause. Constitué à 90 % d’eau, c’est un aliment très digeste, ce qui le rend idéal pour les personnes qui ont du mal à avaler la nourriture, pour les personnes âgées qui veulent ajouter des protéines à leur régime alimentaire ou pour les bébés qui commencent à manger des aliments solides. »

Le tofu et ses méthodes de préparation ont été introduits au Japon au VIIIe siècle, pour en faire depuis plus d’un millénaire une importante source de protéines pour les habitants de l’Archipel. On dénombrerait environ 300 variantes régionales, chacune d’entre elles ayant ses propres saveurs distinctes qui découlent des différents types de graines de soja utilisées ainsi que des méthodes de préparation locales. Par exemple, dans les îles méridionales d’Okinawa, on trouve une version plus ferme, durcie à l’eau salée, connue sous le nom de shima dofu (tofu des îles).

Néanmoins, les tofus les plus courants, que l’on retrouve dans tous les supermarchés du pays, sont le ferme momen et le moelleux kinu.

Le tofu momen est obtenu en faisant bouillir du lait de soja, puis en y ajoutant du nigari afin qu’il acquière une consistance proche de celle d’un flan légèrement mou. Puis, il est versé dans un moule tapissé de tissu (d’où ce tofu tire son nom, momen signifiant « coton » en japonais) et parsemé de trous. Le mélange est ensuite pressé afin d’obtenir une consistance plus ferme, idéale pour la cuisson à la poêle, pour les plats mijotés ou pour l’un des plats maison préférés des Japonais, le mabodofu épicé sauté.

Le tofu momen est préparé à partir de caillé de soja frais qui est pressé dans un moule spécial.

Le kinu, ou tofu soyeux, est directement préparé dans un moule spécial qui, lui, n’a pas de trous. Lorsqu’il vient juste d’être préparé par des fabricants de tofu expérimentés, il a une consistance fluide, un délicat goût sucré naturel et une saveur pure, et il se déguste préférablement cru, comme c’est généralement le cas au Japon.

Le tofu kinu (à gauche) et le tofu momen (à droite) sont les variétés les plus courantes.

Un plat particulièrement apprécié en été est le hiyayakko, un bloc de tofu soyeux simplement garni d’un peu de gingembre, d’oignon vert et de sauce soja, ou parfois agrémenté d’autres garnitures, telles que du kimchi, des morceaux d’algue séchée ou un soupçon de wasabi. C’est un mets rapide et facile à préparer, rafraîchissant lors des journées chaudes et humides. Pendant l’hiver, on trouve sur les tables nipponnes de chaudes marmites de nabe ou de yudofu, dans lesquelles des morceaux de tofu et d’autres ingrédients mijotent dans un bouillon savoureux.

Simple et pourtant délicieux, un plat rafraîchissant de hiyayakko constitue le déjeuner ou dîner estival parfait.

Une chaude marmite de yudofu, un plat populaire et rassasiant apprécié pendant la saison hivernale.

Peu importe la façon dont on préfère le consommer, l’important est de laisser s’exprimer la saveur naturelle du caillé de soja et de faire du tofu la pièce maîtresse du repas.

Aux États-Unis et en Europe, le tofu est perçu différemment. Il y dispose d’une solide base de fans, aussi bien parmi les personnes qui suivent un régime à base de plantes, que par celles qui souhaitent un apport en protéines supplémentaire dans leurs repas. Il est généralement préparé avec une généreuse quantité d’épices ou d’assaisonnements, par exemple en l’ajoutant à un plat sauté à la poêle ou sous des formes plus insolites, par exemple en l’utilisant comme ingrédient principal d’une mousse au chocolat riche en protéines (et végan).

« Dans la plupart des pays occidentaux, les gens présument que le tofu doit être cuit, ce qui explique que les variétés fabriquées à l’étranger ont tendance à moins se concentrer sur la saveur et ont plutôt pour but l’obtention d’une texture moelleuse proche de la viande », commente Mme Kudo. « Les gens le considèrent principalement comme un substitut végan et durable à la viande, au lait et aux œufs. »

Loin d’être traditionaliste, elle souhaite que les gens du monde entier explorent les possibilités qu’offre son aliment favori. « C’est littéralement une toile blanche », s’amuse-t-elle, « puisque grâce à sa saveur si délicate, vous pouvez librement y ajouter vos propres garnitures locales préférées. » Elle recommande également de goûter aux tofus frits, par exemple l’épais atsuage ou le plus fin aburaage, qui tendent à devenir davantage disponibles à l’étranger et conviennent parfaitement aux plats sautés ou pour être fourrés de vos ingrédients salés favoris. Au Japon, on trouve même des hamburgers et des donuts plus sains à base de tofu !

L’aburaage (tofu frit) avec sa satisfaisante texture charnue peut rapidement être sauté ou grillé à la poêle. Mme Kudo recommande de le fourrer avec du fromage et de le faire griller.

L’une des recettes que propose Mme Kudo, un « curry sec » à base de tofu, contient une quantité généreuse de protéines excellentes pour la santé.

Malheureusement, étant donné sa fraîcheur et sa texture, le tofu fraîchement préparé supporte mal les voyages, c’est pourquoi jusqu’à récemment il était difficile de trouver du tofu de qualité en dehors du Japon. Néanmoins, grâce au progrès des technologies d’emballage aseptique, il est désormais possible de déguster du délicieux tofu frais, fait au Japon, même en dehors du pays du soleil levant !

Mais évidemment, goûter du tofu lors d’un séjour au Japon permet de découvrir une tout autre facette de ce mets. « Le tofu peut paraître simple, mais tout comme le fromage, il dispose de nombreux aspects qui varient en fonction des graines de soja utilisées, des techniques employées ou des personnes qui le préparent », explique Mme Kudo.

Vous n’êtes pas sûr de la variété vers laquelle vous tourner pour une première expérience de tofu frais ? « Je conseille de goûter au tofu yose (aussi parfois appelé oboro), qui est la base du tofu momen et permet de savourer le délicat goût sucré des graines de soja. » Il suffit d’y ajouter un soupçon de sauce soja et votre plat est prêt !

Le tofu yose frais est un délice crémeux qui permet de savourer le caillé de soja dans toute sa fraîcheur.

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