Onigiri: de simples boulettes de riz au riche passé et à l’avenir prometteur
Les onigiri, ces boulettes de riz omniprésentes au Japon, sont ce qui se rapproche le plus de l’aliment parfait. Ils sont de taille idéale, tenant juste dans le creux de la main. Qu’on les déguste chauds juste après que le riz a été cuit ou plus tard à température ambiante, ils sont tout aussi délicieux. Facile à transporter, on peut les faire tenir dans un panier-repas ou même dans la poche, ce qui en fait l’aliment parfait pour les pique-niques, les randonnées ou même pour une pause au bureau afin de reprendre de l’énergie. Bien qu’ils puissent être simplement confectionnés avec du riz salé uniquement, les variations potentielles sont aussi infinies que le nombre d’ingrédients qu’il est possible d’ajouter dedans. Enfin, ils peuvent aussi bien servir de simple en-cas que de pièce centrale d’un repas rassasiant.
L’histoire d’amour qui lie le Japon à ces boulettes de riz remonte à très loin. Des morceaux de riz carbonisés présentant des traces de doigts les ayant serrés datant d’il y a plus de 2 000 ans ont été découverts par des archéologues. C’est au cours de l’époque de Heian (794-1185) que sont apparus pour la première fois des onigiri d’un style similaire à ceux que l’on connaît aujourd’hui. Ils étaient consommés par les domestiques de l’aristocratie et par les ouvriers agricoles. Au fil des ans, ils sont devenus un en-cas populaire auprès de tous, comme le prouvent les voyageurs de l’époque d’Edo (1600-1868) représentés sur des ukiyo-e, des estampes traditionnelles. C’est à cette époque que l’on a commencé à enrober les boulettes de riz de feuilles de nori afin de les rendre plus pratiques à manipuler.
Bien que la consommation de riz par habitant au Japon ait diminué au cours des trois dernières décennies, les onigiri ont conservé leur place de denrée alimentaire de base. C’est on ne peut plus flagrant sur les rayons des commerces spécialisés et des épiceries de proximité du pays. Les onigiri sont un produit emblématique des chaînes de commerces de proximité du Japon, qui permettent de manger des onigiri de qualité équivalente et tout aussi délicieux quel que soit le point de vente où l’on se les procure, de la région septentrionale de Hokkaido aux îles méridionales d’Okinawa. La chaîne de magasins 7-Eleven a commencé à proposer des onigiri en 1978 et en vend aujourd’hui 2 milliards par an.
Gihei Hashimoto est consultant auprès de 7-Eleven (Japon) pour le riz utilisé pour leurs onigiri. Il est président de Hachidaime Gihey Co., Ltd., une société descendant d’une entreprise de l’époque d’Edo (1787) basée à Kyoto qui est ensuite devenue un magasin de riz au début du XXe siècle. C’est aujourd’hui un grossiste en riz qui propose de la vente en ligne, possède deux restaurants et officie en tant qu’entreprise de consultation, en vue d’étendre ses activités à l’étranger.
M. Hashimoto travaille avec la chaîne de magasins sur quatre aspects. Sa première tâche consiste à mettre ses années d’expérience de « connaisseur » en riz à profit afin d’échantillonner et de choisir le produit qui conviendra aux onigiri, le goût, l’arôme, la consistance et la texture du riz variant d’une année à l’autre en fonction du type de riz et de l’endroit où il est cultivé, notamment sous l’influence des conditions climatiques et d’autres facteurs. Son second travail est le mélange. « Généralement, les variétés de riz sont utilisées indépendamment les unes des autres. Néanmoins, en comprenant les caractéristiques particulières des riz provenant de différentes régions, il est possible de créer des mélanges et d’obtenir des onigiri qui restent frais et savoureux, même après qu’ils ont été placés dans les rayons des magasins. » Le troisième aspect sur lequel il intervient concerne les méthodes de polissage et de mouture. « Une mouture lente et à basse température ne stresse pas le riz et conserve son umami », nous explique-t-il. Son quatrième domaine de consultation porte sur la façon dont le riz devrait être cuit. « Nous donnons des conseils sur les façons de cuir le riz à la vapeur pour qu’il reste moelleux même après avoir été façonné en boulettes », continue-t-il.
Quel que soit le domaine de consultation, il faut garder à l’esprit que l’entreprise exploite plus de 21 500 magasins dans l’ensemble du pays. Il faut aussi prendre en compte l’emballage, qui nécessite d’être très astucieux pour garder les onigiri frais et permettre de les en retirer facilement. Avec une telle attention accordée à la qualité, l’avenir des onigiri des commerces de proximité semble être entre de bonnes mains.
Taro Tokyo onigiri est un établissement ayant fait des onigiri sa spécialité, avec deux points de vente dans le centre de Tokyo qui ont ouvert leurs portes en 2022. Miyuki Kawarada, la présidente de Rice Republic Inc., l’entreprise qui exploite ces boutiques, indique qu’elle aimerait voir cette vision japonaise du fast-food s’étendre au reste du monde. « Nous avons un dicton : les onigiri sont un univers infini », nous apprend-elle. « Nous voyons le riz comme une toile vierge capable d’accueillir une multitude de garnitures, y compris des aliments provenant d’autres cuisines. »
Les onigiri de Taro Tokyo sont atypiques, puisque leurs garnitures sont placées sur le riz plutôt qu’à l’intérieur des boulettes. Cela met en valeur les couleurs des ingrédients ainsi exposés, rendant plus facile pour les clients étrangers de se faire une idée de ce que contiennent les boulettes – quelque chose de parfois difficile avec les onigiri traditionnels dont les ingrédients sont dissimulés. Il y a des recettes classiques ainsi que des spécialités mensuelles, comme de la palourde ou du miso au printemps, du maïs en été, du marron et de la patate douce à l’automne ainsi que du canard et du sukiyaki en hiver. Certaines boulettes sont plus complexes, proposant un mariage d’ingrédients pour permettre aux consommateurs de faire de nouvelles découvertes. « La garniture la plus populaire auprès de nos clients étrangers reste toutefois le bœuf rôti avec notre sauce originale à la truffe », nous indique Mme Kawarada. « La sauce, prévue séparément, est versée sur le bœuf avant que le tout soit enveloppé de nori. »
Elle souhaiterait voir davantage d’étrangers goûter à d’autres ingrédients, tel que le cabillaud et le miso accompagnés de yuzu, l’agrume à la mode, ou encore la saveur ordinaire du très traditionnel shake (saumon). « Nous avons également quelques demandes de la part de clients végans et végétariens », continue Mme Kawarada. « Les véritables végans ne mangent pas de bouillon dashi traditionnel, nous utilisons donc un dashi de légumes pour eux, auquel nous associons des ingrédients tels que de la tomate, du brocoli ou du maïs. Pour les commandes sans gluten, nous utilisons du shoyu sans blé. »
Les recommandations de Mme Kawarada (de gauche à droite) : bœuf rôti, cabillaud et miso avec yuzu, et saumon, une recette traditionnelle simple mais très appréciée.
Les options végans incluent de la tomate ou du brocoli en garniture.
Disposant d’une position stratégique à Tokyo, Taro Tokyo est désireux de se développer davantage, pas seulement au Japon, mais également dans d’autres pays pour y transmettre son message universel. Mme Kawarada nous fait remarquer que les plats des plus importants fast-foods dans le monde sont à base de pain, comme les hamburgers et les sandwiches. « Les onigiri sont un aliment qui tient à cœur aux Japonais et qui fait partie de notre culture culinaire depuis les temps anciens », précise-t-elle. « J’aimerais voir les onigiri devenir un type de fast-food sain à base de riz, connu dans le monde entier. »
Compte tenu de leurs bienfaits et de leurs aspects pratiques, il est aisé d’imaginer ces boulettes de riz devenir une préparation culinaire populaire proposée dans les supermarchés et les commerces spécialisés hors du Japon également. Si les sushis ont attiré l’attention des gens du monde entier sur le riz japonais, peut-être que les onigiri, plus simples, feront encore plus du riz un produit de consommation quotidienne pour tous les goûts et tous les âges.