Le charme du thé japonais : apprécier son héritage culturel et ses multiples usages
Donnant le sentiment de s’offrir le temps de prendre une pause, le thé japonais versé d’une théière a toujours apaisé l’esprit des gens à travers les âges. Le thé japonais s’accompagne d’un léger goût amer venant rafraîchir la bouche, d’une douceur onctueuse, d’un parfum torréfié ainsi que d’un arôme raffiné et harmonieux. Au cours de sa longue histoire de 1 200 ans, il s’est répandu en de nombreuses formes et, aujourd’hui, il est apprécié partout dans le monde et retient l’attention pour ses composants bénéfiques à la santé. L’univers du thé est également important en tant que culture traditionnelle stylisant l’esprit d’hospitalité et, en tant que tel, possède une profondeur sans pareille.
Le thé a été découvert il y a environ 5 000 ans dans la Chine ancienne. On dit que le thé est arrivé au Japon au début de l’époque de Heian, en même temps que l’introduction du bouddhisme dans le pays. Comme le suggère l’expression « O-cha o ippuku » (une dose de thé) qui subsiste de nos jours, il ne s’agissait pas à l’époque d’une boisson, mais d’un antidote. Il était utilisé comme plante médicinale et accessible seulement à un petit nombre de personnes, comme les prêtres bouddhistes et l’aristocratie.
À l’époque où les guerriers se sont emparés du pouvoir, le thé s’est diffusé parmi eux à la manière d’un produit de luxe. C’est alors qu’a vu le jour la « cérémonie du thé », élaborée notamment par Sen no Rikyu, avant de trouver sa forme définitive en tant que culture unique. Pendant l’époque d’Edo, le thé était utilisé officiellement lors, par exemple, de rituels, selon l’idée que les guerriers et la « cérémonie du thé » étaient inséparablement liés.
C’est à cette époque que naît, grâce à des méthodes de production propres au Japon, le thé vert (sencha) qui, n’étant pas simplement destiné aux classes privilégiées, va se répandre largement dans la société. On dit que le thé vert a émerveillé les gens du peuple par sa fraîche couleur verte et sa saveur douce, que l’on ne trouvait pas dans le thé élaboré selon des procédés chinois et consommé jusqu’alors. Cependant, ce n’est qu’entre l’ère Taisho et le début de l’ère Showa - l’ère moderne - que l’on voit se répandre le thé vert et la théière dans les foyers de la population. Alors que la cérémonie du thé se transmet comme une culture traditionnelle d’hospitalité hautement formalisée, les façons de consommer le thé au quotidien présentent également une grande diversité.
La matière première du thé est constituée de feuilles de la famille des Théacées à feuilles persistantes « chanoki » (théier ; nom latin : Camellia sinensis). En fait, le thé vert, le thé oolong et le thé noir proviennent tous du même théier. La fermentation oxydative des feuilles du théier commence naturellement dès la cueillette, selon le même principe que les pommes qui brunissent après avoir été épluchées. Le thé noir (thé fermenté) est produit en exploitant entièrement le processus de cette fermentation oxydative, alors que le thé oolong (thé semi-fermenté) n’y recourt que faiblement et que le thé vert (thé non fermenté) s’en passe complètement. Alors que le thé noir et le thé oolong brunissent au cours du processus de production, le thé vert qui est fabriqué sans fermentation conserve la couleur verte originale des feuilles de théier.
Le thé japonais est produit selon le processus suivant. (1) Aussitôt cueillies, les feuilles de thé sont étuvées à la vapeur. L’étuvage à la vapeur alors qu’elles sont encore fraîches arrête le processus de fermentation oxydative et élimine l’odeur d’herbe tout en préservant leur couleur. Le goût, l’arôme et la couleur changent en fonction de la durée de cette opération. (2) Les feuilles sont roulées. En les roulant avec force pour leur donner une forme, on fait sécher les feuilles à l’aide de différents procédés de roulage. Aujourd’hui, il est courant de les rouler à l’aide d’une machine, même si la technique du « thé roulé à la main » réalisée par des personnes expertes perdure. (3) Les feuilles de thé roulées sont suffisamment séchées jusqu’à obtenir l’ingrédient de base, le thé brut. (4) Le thé brut est commercialisé et arrive chez les négociants en thé (transformateurs de thé), où il est soumis à des procédés de finition complexes tels que la chauffe (séchage final), le tamisage et le mélange, avant de donner naissance au premier thé fini (thé vert japonais).
La plupart des thés produits au Japon sont des thés verts. Cependant, le thé n’est pas seulement d’un vert éclatant : selon les méthodes de culture et de production des feuilles de thé, il se décline en de nombreuses variétés à consommer tout au long de la journée.
Le thé vert le plus populaire est le « sencha ». Il s’agit d’un thé de couleur vert brillant présentant une astringence modérée, un arôme doux et une saveur rafraîchissante qui est familière à tous les Japonais. Par ailleurs, certaines méthodes de production visant à faire ressortir la saveur, en empêchant que la lumière du soleil atteigne directement la culture, donnent naissance à des « gyokuro » et « kabusecha » au goût riche, dont les noms sont synonymes de thé de haute qualité. Il existe de nombreuses variétés, dont le « hojicha », facile à boire avec un arôme grillé engendré par la torréfaction des feuilles de thé à haute température, et le « genmaicha », mélangé à des grains de riz grillés. Outre ces thés, on trouve également le « matcha », à base de feuilles de thé finement moulues et réduites en poudre. De nos jours, celui-ci n’est plus uniquement moussé avec un fouet à thé pour être bu, puisqu’il est également en train de devenir un ingrédient classique de gâteaux et friandises.
Le thé vert est sans sucre et sans calorie. Il possède également pour particularité de contenir un bon équilibre de nutriments bénéfiques pour l’organisme, tels que des catéchines aux puissants effets antioxydants et des vitamines. La théanine, un élément présent dans le thé japonais, allège les sentiments de tension et d’angoisse, apportant un effet bienfaisant qui permet de détendre le corps aussi bien que l’esprit. Il existe de nombreux autres avantages potentiels pour la santé, comme le « gargarisme au thé », recommandé pour prévenir les rhumes, car le puissant effet antibactérien des catéchines a le pouvoir de contenir l’invasion et la multiplication des virus dans le corps.
Grâce à la prise de conscience de l’importance de la santé et à la popularité de la cuisine japonaise à l’étranger, le thé vert connaît un boom à travers le monde ces dernières années. Le nombre de personnes appréciant de boire du thé vert a augmenté, principalement aux États-Unis, dans divers pays européens et en Australie. Le « thé vert » y figure désormais aux côtés du café et du thé noir, même sur les cartes des cafés. Il est intéressant de noter que le matcha, en particulier, attire l’attention hors du Japon en tant que superaliment. Des stands de matcha sont apparus dans les rues, proposant des matcha latte, matcha smoothies ou encore des glaces et des desserts à base de matcha qui trouvent un public d’amateurs. Le matcha, avec son vert intense, est apprécié aux quatre coins du monde. Il se décline sous des formes variées, notamment en sauce pour napper les plats, en dip, etc.
[La cérémonie du thé]
Rituel ou art, cette composante de la culture traditionnelle du Japon qu’est la cérémonie du thé consiste à fouetter le matcha pour servir le thé à l’invité d’une manière codifiée. La culture japonaise, unique en son genre, exprime la beauté de dispositions telles que l’esprit d’hospitalité ou du wabi-sabi (esthétique d’un raffinement apaisé et sobre). En outre, elle marie plusieurs arts, dont celui, social, de recevoir des invités, l’aménagement du salon de thé, le choix de chaque ustensile de préparation du thé et des confiseries japonaises évocatrices de la saison.
Références : Association centrale du thé du Japon (association d’intérêt public) ; Conseil pour la promotion des exportations de thé du Japon
Photographies fournies par : amanaimages, magazine de relations publiques « aff » du ministère japonais de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, édition d’avril 2017
Texte : Miki Suka