Pâtisseries wagashi et thé, l’expression de l’heure du thé à la japonaise

Les wagashi - qui représentent le passage des saisons - ont un lien étroit avec le climat et les coutumes du Japon et font désormais partie du quotidien. Les moments passés à boire du thé en famille ou entre amis en discutant et en dégustant des wagashi de saison sont source de réconfort, même pour les générations actuelles qui mènent une vie plus mouvementée. Nous vous présentons ici l’histoire des wagashi, les wagashi les plus représentatifs et la meilleure façon de les apprécier.

Des jô-namagashi aux motifs printaniers. Dans le sens des aiguilles d’une montre et en partant du haut, on trouve : un jôyo manjû « Rêve de printemps », inspiré par le célèbre « Rêve du papillon » de l’ancienne fable chinoise; « Sadoji », inspiré par un paysage de Sado lorsque les navettes sont en fleurs et « taori-zakura », qui prend la forme d’une magnifique fleur de cerisier. (Wagashi fournis par : Toraya)

L’intérieur du « taori-zakura » est composé de an blanc. Sa saveur sucrée élégante qui fond en bouche favorise la prise de conscience du véritable goût du thé matcha.

Commençons par retracer l’histoire des wagashi. Au Japon, on utilise encore de nos jours le terme « mizugashi » pour désigner les fruits, et « kashi » (ou « gashi » en fonction de la combinaison) signifiait à l’origine les fruits et tout ce qui provenait d’un arbre. À une époque où les aliments sucrés étaient rares, cette saveur sucrée était précieuse. Une autre origine possible du mot « kashi » japonais est qu’il représentait le mochi ou les dango faits à base de graines comme le riz ou la châtaigne. À ces aliments qui ont une histoire ancienne au Japon s’est ajoutée l’influence des aliments venus de l’étranger avec pour résultat la naissance d’une grande variété de nouveaux kashi. De l’époque Asuka à l’époque Heian (fin du VIe siècle à la fin du XIIe siècle), les «tôgashi »*1 ont été importés de Chine. De l’époque Kamakura à l’époque Muromachi (fin du XIIe siècle au milieu du XVIe siècle), les moines zen partis étudier en Chine et les moines chinois venus en visite au Japon ont transmis les « tenjin »*2. De la fin de l’époque Muromachi au début de l’époque Edo (milieu du XVIe siècle au début du XVIIe siècle), les échanges avec le Portugal et l’Espagne ont permis d’importer les «nanbangashi »*3. Grâce à ces trois types de gâteaux importés de l’étranger et au développement de la cérémonie du thé, à partir de l’époque Edo, le Japon a commencé à créer de nouveaux gâteaux avec des couleurs, formes et noms qui lui sont propres. Lors de l’ère Genroku (fin du XVIIe siècle au début du XVIIIe siècle) sont apparus - notamment en provenance de Kyôto - des gâteaux au design inspiré de scènes de saison ou portant un nom individuel. Ce sont les jô-gashi. Les jô-namagashi actuels proviennent de ces jô-gashi.

*1 Tôgashi : Gâteaux importés lors des missions japonaises dans la Chine de la dynastie Tang. (Tang se prononce « tô » en japonais.) La plupart sont à base de farine de riz ou de blé, une variété de formes sont confectionnées et ils sont ensuite frits dans de l’huile. Ils étaient utilisés notamment lors des services religieux.
*2 Tenjin : Tenjin désigne un gâteau consommé en tant qu’en-cas léger entre le repas du matin et celui du soir. Les manjû et yôkan actuels sont des descendants des tenjin. Yôkan signifie littéralement « soupe à base de mouton ». L’explication communément admise est que c’était à l’époque un plat de la cuisine bouddhique à base d’ingrédients d’origine végétale tels que le haricot azuki que l’on faisait passer pour de la viande de mouton.
*3 Nanbangashi : Nanbangashi désigne les gâteaux et confiseries importés du Portugal et d’Espagne au cours de leurs échanges avec le Japon. Bôro, kasutera (castella) et kompeitô font partie des Nanbangashi. Leur particularité principale est l’emploi d’œufs et d’une grande quantité de sucre.

L’ingrédient principal des wagashi est l’« an », qui est confectionné à partir de haricots azuki. C’est l’an, pâte bouillie de haricots azuki et de sucre, qui est l’élément le plus important qui permettra un wagashi savoureux. Dans le cas des manjû et des monaka, l’épaisseur qui enveloppe l’an est à base de riz ou de blé. Les riz utilisés sont le riz ordinaire et le riz à mochi. C’est en prenant en compte les caractéristiques de chacun que sont fabriquées diverses farines comme la farine de riz de qualité supérieure, la farine de riz raffiné et la farine de riz à mochi. L’un des ingrédients des yôkan est l’agar-agar, fabriqué à partir de certaines espèces d’algue comme l’algue tengusa. De plus, on trouve également souvent dans les wagashi des fruits et tout ce qui provient de l’arbre comme les châtaignes, les kakis, les noix, qui sont consommés au Japon depuis de très nombreuses années . Les wagashi utilisent les ingrédients naturels énumérés ci-dessus et leur processus de fabrication est le résultat d’une évolution qui a eu lieu sur un grand nombre d’années.

Monaka : l’an est pris en sandwich entre les deux parties d’une enveloppe à base de farine de riz à mochi. Le monaka permet de profiter du contraste entre deux textures : celle de l’enveloppe sèche extérieure qui croque légèrement sous la dent et celle, plus tendre et humide, de l’an. Le monaka est accompagné ici de thé vert sencha préparé avec soin. Les wagashi sont servis généralement sur une assiette ou un papier « kaishi » mais il est tout à fait possible d’expérimenter avec tout ce qui vous semble plaisant et d’utiliser ce que vous avez à disposition comme ici cette assiette en bois. (Wagashi fournis par : Toraya)

Les wagashi, dont les ingrédients sont d’origine végétale, sont des aliments sains qui ont une faible teneur en matières grasses. C’est un fait qui a également été souvent mis sur le devant de la scène ces dernières années. Par exemple, le haricot azuki qui est l’ingrédient principal de l’an comprend une grande quantité de protéines, de fibres et de polyphénols. C’est un aliment considéré comme une source importante de nutriments depuis toujours. De plus, depuis très longtemps, on dit également que la couleur rouge du haricot azuki «repousse » la malveillance, c’est pourquoi la coutume de manger des gâteaux à base de haricot azuki comme le « botamochi » ou l’« ohagi » est très ancrée. À Kyôto, à l’occasion de la cérémonie « Nagoshi no harae » le 30 juin, on prépare des wagashi appelés « minazuki » à base de haricot azuki.

Entre le « sakuramochi », mochi enroulé d’une feuille de cerisier salée au printemps; les « hina-arare » au moment de la fête Hina matsuri; le « kashiwamochi » au moment de la fête Tango no sekku; les « mizu-yôkan », frais et agréables à déguster en été; les kashi et dango qui se mangent en admirant la lune à l’automne; le « kuri-kinton » préparé lorsque les châtaignes sont de saison et le « Hanabira-mochi » servi pour célébrer le nouvel an; on trouve en magasin une grande diversité de gâteaux qui reflètent chaque saison.

Les wagashi sont classés par genres : yôkan, monaka... mais certains sont en plus nommés individuellement comme par exemple le « taori-zakura ». Ce nom individuel est appelé « kamei ». Établie depuis près de 500 ans, la pâtisserie traditionnelle Toraya proposerait à ses clients environ 3000 wagashi différents. Parmi ceux-ci, on trouve des wagashi qui rappellent les saisons ou des paysages, mais également des wagashi dont le « kamei » s’inspire de poèmes tanka des nobles de la cour de Heian ou de fables chinoises. Les wagashi s’apprécient avec cinq sens : par la vue tout d’abord, puis le goût, les senteurs légères, la texture en bouche, puis par l’imagination de l’allégorie qui leur a valu leur « kamei ». On décrit ainsi souvent les wagashi comme « un art pour les cinq sens ».

Il existe réellement une immense variété de wagashi, des gâteaux qui sont utilisés dans la cérémonie du thé aux gâteaux, plus ordinaires, comme les dorayaki ou les mitarashi-dango. Soyez prêt(e) à recevoir tout visiteur impromptu en ayant toujours dans vos placards des wagashi à longue date de péremption comme les yôkan ou les higashi. Parlons maintenant des associations avec une boisson. En général on boit du thé matcha ou du thé gyokuro (thé vert raffiné) avec les jô-namagashi, et du thé hôjicha avec les dango et okaki mais il est tout à fait possible de déguster les wagashi avec des boissons autres que le thé japonais. Par exemple, il peut être très agréable d’associer un expresso, du whisky ou un vin pétillant aux yôkan, ou du thé noir ou une tisane aux castella. Vous pouvez même préparer une petite sélection de gâteaux et proposer une boisson différente pour chaque.

Certains wagashi comme les castella, les dango, les daifuku et les imo-yôkan peuvent être faits maison en se procurant les ingrédients nécessaires. Servir à vos invités des wagashi, faits maison avec des ingrédients simples, est sûr d’alimenter les conversations à l’heure du thé.

Les castella, une pâte réalisée à partir d’œufs et de sucre battus au fouet auxquels on ajoute de la farine forte et du miel avant de faire cuire le tout au four. Les castella font partie des nanbangashi. Il est possible de leur donner des accents typiquement japonais en y mélangeant également du matcha ou du sucre muscovado.

Ces dango ont été confectionnés à partir de farine de riz de qualité supérieure et de farine de riz à mochi mélangée à de l’eau, on a ensuite formé avec la pâte obtenue des boules que l’on a fait bouillir avant de les piquer sur une brochette en bois et de les colorer à la flamme. Les dango arrosés d’un coulis préalablement bouilli et à base de sauce de soja, sucre, poudre de kudzu et dashi de kombu sont appelés « mitarashi-dango ». Pour confectionner des dango à la maison, vous pouvez remplacer la poudre de kudzu et le dashi de kombu par de la fécule de pomme de terre et de l’eau. Les dango qui viennent juste d’être faits sont un réel délice.

Le daifuku. L’an est entouré d’une épaisseur de pâte à base de farine de riz à mochi. En plus de l’« ichigo-daifuku » qui contient une fraise entière, on peut jouer avec les saveurs et confectionner des daifuku avec tous les fruits de saison.

L’imo-yôkan. Il s’agit de patate douce bouillie à laquelle on ajoute du sucre et de l’agar-agar en poudre que l’on a fait fondre dans de l’eau. Cette préparation est ensuite chauffée à feu doux en mélangeant continuellement jusqu’à obtenir une consistance veloutée. On la verse ensuite dans un moule pour qu’elle refroidisse et durcisse. Ce yôkan a une douceur qui fait honneur à la texture et à la saveur de la patate douce.

Comme les wagashi ont une histoire qui s’est développée en parallèle avec celle de la cérémonie du thé, on y trouve peu de décorations exubérantes. Un grand nombre de wagashi nous permettent de faire l’expérience de cette culture du sens esthétique wabi-sabi (beauté des choses imparfaites et impermanentes). À la maison, au moment du dressage de la table, nous vous conseillons de sélectionner de la vaisselle qui fera ressortir cette apparence nette. Par exemple, pour faire ressortir les couleurs des fleurs de printemps, on utilisera une assiette vert olive. On associera également aux gâteaux les plus simples un plateau et de la vaisselle en matières naturelles. Il est important de prendre en considération l’harmonie générale. Que diriez-vous de profiter de l’heure du thé à la japonaise, en rendant hommage aux saisons à travers des wagashi équilibrés et sains ?

Yuko Hama(Sélection de la vaisselle)
Productrice d’espaces gastronomiques. Elle offre ses connaissances en vaisselle à des restaurants et auberges traditionnels, avec un accent sur l’arrangement floral, la décoration et l’art du dressage de table. Elle prend également soin de la planification et l’animation d’évènements et de réceptions. Elle a récemment procédé à des recherches sur le Saijiki, recueil de termes évoquant les quatre saisons dans la poésie haïku, et sur la culture du quotidien japonais. Elle propose un style de vie axé sur l'intégration de l'esthétique japonaise et occidentale ainsi que sur des designs imprégnés de spiritualité. Vice-présidente de la fondation TALK-TCS et instructrice certifiée. Auteure de nombreux ouvrages.
https://hanakukan.jp
Instagram: @yukohama.hanakukan

Hanae Kaédé(Cuisine)
Elle a acquis son expérience en travaillant en cuisine dans des restaurants étoilés au Michelin en France avant de rentrer au Japon pour se consacrer à l’étude de la cuisine japonaise via un cursus spécialisé à l’Institut culinaire d’études avancées Tsuji. Ensuite, après avoir travaillé comme professeure dans une école de cuisine et dans le développement de produits, elle a ouvert son propre studio de cuisine, l’atelier kafuné, dans le quartier de Monzen-nakacho à Tokyo. Elle organise également des ateliers de cuisine japonaise pour les visiteurs et les résidents étrangers. Elle a publié un livre de recettes japonaises en France. Une version anglaise a également suivi.
https://www.kafune-tokyo.com
Instagram: @atelier_kafune

Participation à notre reportage : TORAYA Confectionery Co. Ltd.
Référence : Association Wagashi Japon
Texte : Junko Kubodera ; Photographie : Aya Kawachi

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