L’univers sucré et rafraîchissant de l’umeshu de Wakayama
Sucré, facile à boire et équilibré, l’umeshu est l’un des alcools japonais les plus iconiques. Il jouit d’une popularité grandissante à l’international, attirant de plus en plus de personnes appréciant une occasionnelle boisson alcoolisée. La première préfecture productrice d’umeshu au Japon est Wakayama, et des chefs du monde entier commencent à explorer les nouvelles saveurs et textures que l’umeshu de Wakayama pourrait apporter. Nous nous sommes entretenus avec Stuart Turner, fondateur et PDG de SushiSushi, une société importatrice de nourriture et matériel de cuisine japonais basée au Royaume-Uni, pour discuter de l’incursion de l’umeshu de Wakayama dans les cuisines des restaurants d’Europe et d’ailleurs.
Stuart Turner, fondateur et PDG de SushiSushi
En anglais, Bien que parfois traduit par « vin de prune », l’umeshu n’est pas vraiment du vin et n’est pas non plus fait à partir de prunes : le fruit qu’on appelle ume au Japon est en fait plus proche génétiquement de l’abricot, même si historiquement il a toujours été qualifié de « prune japonaise ».
Dans sa recette la plus simple, l’umeshu est préparé en immergeant des ume macérés dans de l’alcool, généralement de l’eau-de-vie ou du shochu, puis en y ajoutant du sucre pour modérer l’acidité.
« C’est le postulat de base, explique M. Turner, mais on trouve toutes sortes de digressions, par exemple de l’umeshu préparé avec du saké ou mélangés avec d’autres fruits pour obtenir différents profils gustatifs. »
Néanmoins, l’ingrédient clé de cet alcool reste la variété, la qualité et la maturité des ume utilisés, et c’est justement là qu’intervient la préfecture de Wakayama. Wakayama dispose des conditions idéales pour la culture des ume, bénéficiant de fortes précipitations, d’un climat tempéré et de relativement peu de variations de températures au cours de l’année grâce au courant de Kuroshio aux larges des côtes sud de la préfecture.
« J’ai passé toute une semaine à faire le tour de Wakayama, et j’ai trouvé qu’il s’agissait d’un endroit fascinant », nous confie M. Turner. « Les producteurs d’ume qui s’y trouvent ont une expertise riche de plusieurs générations, ce qui leur permet de comprendre le rythme de saisons ainsi que le moment idéal pour la récolte. »
Vergers d’ume à Wakayama (Photo : Wakayama Tourism Federation)
Les vergers d’ume de Wakayama sont au cœur d’un riche écosystème perfectionné au fil des siècles afin de combiner productivité et durabilité : le système Minami-Tanabe Ume, nommé d’après les deux municipalités au centre de Wakayama où il a été développé et homologué en tant que Système ingénieux du patrimoine agricole mondial par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Dans le cadre de ce système, des vergers d’ume sont cultivés sur des flancs de montagne irréguliers qui constituent jusqu’à 80 % de la préfecture. Au-dessus de ces vergers, les forêts situées en haut des montagnes aident à la prévention des glissements de terrain et fournissent le bois nécessaire à la fabrication du charbon binchotan. Au pied des montagnes et au niveau du sol, en dessous des vergers, les terrains sont utilisés pour cultiver une grande variété d’autres fruits et légumes. Les lacs de retenue à flancs de montagne permettent d’assurer un cycle de l’eau sain, et les abeilles prospèrent parmi les innombrables fleurs qui s’épanouissent, participant à leur tour à leur pollinisation. Des faucons, des chouettes et d’autres oiseaux font leur nid et chassent au sein de ces forêts et vergers, tandis que les réservoirs d’eau et les rizières immergées servent d’habitat à de rares espèces de salamandres et de tritons.
Cet écosystème riche et robuste a également façonné la culture traditionnelle de Minabe-Tanabe. En février, la région organise le plus grand événement d’appréciation des fleurs d’ume, accueillant des visiteurs de tout le pays venus admirer les verges en pleine floraison sur les flancs de montagnes Et le 6 juin, « Journée de l’ume », des ume sont offertes en offrande au kami du grand sanctuaire Kumano Hongu-taisha. Des pratiques spirituelles aux coutumes alimentaires, c’est un fruit qui occupe un rôle essentiel dans la culture régionale.
Des nanko ume, appréciées pour leur saveur et leur arôme d’agrume
Par conséquent, Wakayama est à l’origine d’environ deux tiers de la production d’ume au Japon, y compris de rares variétés développées localement. Le nanko ume a été développé à Minabe en 1950 et s’avère un produit qui combine taille, saveur et arôme de qualité supérieure. Le beni nanko est une sous-variété encore plus rare, qui adopte une resplendissante couleur pourpre en mûrissant sous le soleil de Wakayama.
Avec un tel volume d’ume fraîches et de variétés disponibles, Wakayama est devenue une terre d’innovation pour l’umeshu également, bénéficiant d’une concurrence amicale mais intense au sein de la préfecture. « Toutes les personnes qui produisent de l’umeshu à Wakayama ont leur propre approche du sujet », explique M. Turner. « Ce n’est pas non plus le genre de secteur dans lequel il est possible de créer un unique produit qui s’impose sur les autres. Différents facteurs tels que l’alcool de base, le type de sucre, la légèreté en bouche ou encore le processus de maturation donnent naissance à un large éventail de boissons qui ont chacune leur propre attrait distinctif. »
Cette diversité a fait de l’appellation « Wakayama umeshu » une indication géographique officiellement reconnue, et SushiSushi a créé une sélection d’umeshu qui sert de vitrine à l’ensemble des possibilités que cet alcool a à offrir. « Chaque type d’umeshu que nous proposons est la meilleure version de ce qu’il entend proposer », précise M. Turner.
Par exemple, le Kokuto umeshu de Yoshimura Hideo Shoten est produit à partir d’ume bien mûrs trempés dans du saké et sucrés avec du kokuto (sucre brun) d’Okinawa. Le Nigori umeshu du même producteur, non filtré et bénéficiant par conséquent d’une sensation en bouche et d’un goût uniques, est également disponible chez SushiSushi.
umeshu Kokuto et Nigori de Yoshimura Hideo Shoten
Certains umeshu se différencient par leur maturation. La brasserie Nakano BC fait un umeshu appelé Chokyu, qui est préparé à partir de nanko ume et vieilli pendant quinze ans. « Cela procure au Chokyu une saveur intense et sucrée ainsi qu’une robe sombre unique », nous dit M. Turner.
Nakano BC produit également l’umeshu Beni Nanko, à la délicate couleur rose et au parfum unique de pêche. Il a gagné de nombreuses récompenses, notamment le Grand prix lors de la première édition du festival Tenma Tenjin umeshu Festival ainsi que la médaille d’argent à la Japan umeshu Competition en 2024.
umeshu Chokyu et Beni Nanko de Nakano BC
Pour les personnes goûtant à l’umeshu pour la première fois, M. Turner suggère le BINCHOTAN NO SHIRABE d’Ozaki Shuzo, une brasserie fondée en 1880. Le charbon binchotan de Kishu est un autre produit traditionnel de Wakayama, fabriqué selon une méthode ancestrale à partir d’arbres abattus dans les forêts – un autre exemple du renfort mutuel de la tradition et de l’innovation que l’on retrouve dans l’umeshu de Wakayama.
BINCHOTAN NO SHIRABE
Le préféré de M. Turner est l’umeshu Hamada Genshu, vieilli pendant cinq and et disposant d’une teneur en alcool relativement élevée. « Ce genre d’umeshu est idéal pour être bu avec de l’eau gazeuse ou des glaçons », nous confie-t-il. « Il convient pour être dégusté entre amis à toute occasion, comme l’on boirait simple une bière. »
umeshu Hamada Genshu
Ces umeshu et d’autres commencent à se faire une place sur la carte des boissons de certains restaurants. Néanmoins, de nombreux clients de SushiSushi trouvent des utilisations innovantes pour cet alcool dans d’autres préparations.
« Hier encore, un restaurant d’Antwerp avec trois étoiles Michelin nous a commandé des umeshu pour utiliser dans la confection de desserts », nous raconte M. Turner. « Un autre de nos clients, qui se trouve à Londres, prépare une sorte d’affogato en remplaçant le café par un umeshu 15 ans d’âge. » Les clients du restaurant rapportent que l’acidité modérée de l’umeshu tranche avec la douceur crémeuse de la glace, créant ainsi un effet délicieux.
Ce n’est pas par hasard si aucun de ces restaurants ou même des plats susmentionnés ne paraît particulièrement japonais. « Les chefs au royaume-Uni se montrent extrêmement innovants et sont ouverts aux saveurs intéressantes et délicieuses qui proviennent de tous les horizons, et l’umeshu de Wakayama convient parfaitement à ce genre d’environnement », développe M. Turner. « L’umeshu de Wakayama possède un réel aspect artisanal, et les chefs, les sommeliers et même les clients des restaurants y sont réceptifs. »
Avec une demande croissante des restaurateurs du monde entier stimulant encore plus l’affinement et l’innovation, l’umeshu de Wakayama semble promis à continuer son ascension fulgurante au rang de boisson alcoolisée appréciée aux quatre coins de la planète.