Omusubi Gonbei, l’amour du riz japonais
Les onigiri – ces boulettes de riz farcies typiquement japonaises, que l'on appelle aussi omusubi – sont non seulement en vogue au pays du Soleil-Levant mais également dans le reste de l'Asie, aux États-Unis et en Europe. Le restaurant à emporter Omusubi Gonbei, spécialiste des onigiri situé dans le quartier de l’Opéra à Paris, a été le précurseur de cette tendance en France. Nous avons interviewé Daisuke Satô, le représentant de Gonbei Europe qui dirige cette enseigne où les gens se pressent tous les jours en nombre à l’heure du déjeuner.
L’onigiri, l'ami des fashionistas
Omusubi Gonbei a ouvert ses portes en 2017 et a depuis lors quintuplé ses ventes. Rien que pour l'établissement du quartier de l’Opéra, on compte environ 500-600 clients pendant la semaine et 700 le week-end. Plus de la moitié sont des locaux, notamment celles et ceux qui travaillent dans les boutiques de mode alentour, mais les onigiri d'Omusubi Gonbei attirent aussi des touristes de province voire de l'étranger. Parmi eux, ils ne sont pas rares ceux qui les achètent en dehors des heures de repas – faute de restaurants ouverts – et les goûtent dans le Jardin des Tuileries qui se trouve non loin de là.
« Cela peut paraître surprenant, mais les onigiri plaisent beaucoup aux gens du milieu de la mode. Pendant la fashion week, les mannequins viennent nombreux, tout comme les équipes qui travaillent chez Céline ou Kenzo. Nous avons par ailleurs proposé un service de catering chez Balenciaga ou Vuitton. Sans doute parce que l’onigiri est considéré comme une nourriture saine, sans gluten et peu gras », constate Satô.
Daisuke Satô, représentant de Gonbei Europe
Pourquoi l'onigiri est-il aujourd’hui tendance ?
On a l’impression que la mode de l'onigiri est apparue soudainement il y a quelques années, mais Satô affirme au contraire qu’il l'avait déjà sentie arriver.
« Dans le centre de Paris, il y avait déjà suffisamment de lieux qui proposaient des sushis et je voyais bien que le milieu de la restauration cherchait la mode d’après. L’onigiri peut plaire à des véganes ou des végétariens, viser une clientèle large parce qu’on peut varier les ingrédients qu'on met dedans. Aussi, c’est un point fort de pouvoir les proposer à un prix abordable. Chez nous, il arrive que des enfants du quartier viennent acheter un onigiri pour leur goûter. Pour les Français, cela doit être une bonne surprise de savoir qu’on peut acheter à un prix modique un mets que l’on peut appeler "soul food" ».
Onigiri, l’un au saumon et thon-mayonnaise, l’autre à l’umeboshi.
Chez Omusubi Gonbei, l'authenticité des ingrédients est une priorité sur laquelle est portée une attention toute particulière : le riz, l’algue nori, l’umeboshi (prune ume salée), le takana (feuilles de moutarde japonaise marinées) mais aussi le sel et les assaisonnements de base sont tous produits au Japon, afin que les onigiri conservent un authentique goût nippon. Au menu : le « saumon thon mayo » (très demandé) ou le « spicy chicken » (leur spécialité assez relevée, avec de la harissa et du tabasco) ; la notion de terroir n’y est pas oubliée (les bières étant par exemple d'origine française) ; quant aux onigiri végans, ils sont signalés par un « V » et une large variété y est proposée, avec non seulement des classiques comme le yukari (shiso rouge en paillettes salées) ou le miso-sésame mais aussi des recettes originales telles que le riz complet-tomates-olives ou le riz complet au curry ; le poulet pour le kara’age (poulet frit) est hallal afin que les clients de confession musulmane puissent également le déguster. Il apparaît donc clairement que ce menu a été élaboré avec une conscience et une volonté inclusives.
Les onigiri vegan sont facilement repérables.
Élargir la clientèle à partir d'un noyau dur de fans
Ce n’est pas parce que l’onigiri est devenu tendance que tout le monde sait de quoi il s’agit. Il existe par exemple des novices qui demandent de la sauce soja avec (sans doute à cause de sa vague ressemblance avec le sushi) et ce sont même parfois des clients français familiers de l’onigiri qui, sur place, leur apprennent comment le déguster. Satô avoue accorder beaucoup d’importance à ce genre de lien entre les amateurs d’onigiri. Il existe aussi des gens qui postent le lieu sur Tiktok, ce qui constitue un autre moyen facile d’élargir la clientèle. On peut également apercevoir de nouveaux clients venus vraisemblablement de loin ou une jeune maman emmenée par ses enfants pour acheter des onigiri et du kara’age.
Les origines ethniques de la quarantaine d'employés qui travaillent dans les deux restaurants Omusubi Gonbei sont diverses ; ils et elles proviennent de cinq pays différents et peuvent donc devenir des sortes de « missionnaires de l'onigiri » en transmettant leur engouement pour ce produit aux clients qui sont eux aussi d’origines diverses et variées. Paris – la capitale du pays de la gastronomie – étant une cité cosmopolite, le charme de l’onigiri pourrait également être diffusé depuis Paname, non ?
Onigiri, l’un au curry avec du riz complet, l’autre au poulet épicé.
Créer un lieu en lien avec le quartier
À l'heure actuelle, Omusubi Gonbei compte deux restaurants : un dans le quartier de l’Opéra et un autre près de la place de la République. La politique de gestion de l'un et de l'autre est complètement différente. Dans celui de République, la clientèle est constituée par des habitants du coin plutôt que par des touristes et des gens de la mode. Parmi le personnel, on trouve notamment un skateur connu dans tout le quartier, qui réalise régulièrement ses performances sur la place. Il lui arrive aussi d’offrir des onigiri dans les boutiques voisines pour créer du lien. Le restaurant d’Opéra joue en priorité sur l’efficacité mais pour celui place de la République, garder un esprit de communauté prime avant tout, explique Satô. En ce qui concerne le premier, même si l'intérieur est exigü, il ne manque pas d’espaces agréables pour déguster les onigiri à proximité (tels que le Jardin des Tuileries ou le Palais Royal), tandis que pour celui de la place de la République (ou dans les éventuels futurs restaurants qui seront ouverts dans d’autres quartiers), le rôle de l’espace disponible pour s’asseoir et manger sur place n’est pas négligeable. Lorsqu'on change de quartier, les clefs de la réussite changent tout naturellement elles aussi.
Le point de vente à emporter près de l'Opéra.
Découvrir le vrai goût du riz japonais
Satô affirme que la qualité d’un onigiri dépend surtout de celle du riz qui le compose. Chez Omusubi Gonbei, celui-ci arrive en transport frigorifié du Japon à l’état de riz complet, puis ils réalisent son polissage sur place ; les recettes, elles, ont été créées au Japon pour une simple et bonne raison : « Plutôt que de miser sur des recettes originales, j’aimerais que les Français découvrent d’abord le délice de la cuisine japonaise, qui met le goût du riz en avant. Les nouvelles recettes sont d'abord proposées lors d'événements qui nous permettent de voir la réaction des invités, avant qu'on décide de les incorporer ou non dans nos répertoires classiques », nous confie Satô. Chez Omusubi Gonbei, les onigiri contiennent chacun 130 grammes de riz (ce qui représente une quantité assez généreuse), et le but consiste toujours à les vendre le plus rapidement possible pour qu'ils conservent le goût du riz tout chaud. Parmi les habitués, nombreux sont d'ailleurs ceux qui se sont pris d'une véritable passion pour le riz japonais, à tel point que Satô constate avec joie : « Il y a des clients français qui commandent des onigiri nature, simplement avec un peu de sel ».
Omusubi Gonbei ayant été à l'origine fondé pour contribuer à la régénération de l’agriculture nippone, le message profond qui est transmis grâce à ce mets on ne peut plus simple est donc lui aussi d'une simplicité limpide : faire découvrir le véritable goût de la nourriture japonaise au plus de monde possible. C'est le défi qu'Omusubi Gonbei est prêt à relever, et il ne fait que commencer.