Des rues d’Osaka au Dodger Stadium à Los Angeles, en passant par les soirées à la maison : les takoyaki l’un des en-cas les plus appréciés
La ville d’Osaka compte un certain nombre de « soul foods », ces aliments qui tiennent à cœur au Japonais, dont les « pancakes » okonomiyaki et les « brochettes frites » kushikatsu. Les takoyaki sont un autre mets local de prédilection, de plus en plus appréciés pour leur approche simple et savoureuse qui peut faire office d’en-cas rapide comme de pièce centrale d’une fête. Cette cuisine de rue consiste en de petits morceaux de poulpe plongés dans une pâte à frire à base de farine, d’œufs, de dashi et de quelques autres ingrédients, qui sont ensuite cuits dans une poêle spécialement conçue à cet effet, tout en leur donnant la forme de boulettes de la taille d’une bouchée. L’engouement pour cette association d’un extérieur moelleux et d’un intérieur baveux et savoureux s’est répandu bien au-delà d’Osaka. En effet, un point de vente de ces takoyaki est devenu un détour populaire pour les fans de baseball qui se rendent au Dodger Stadium à Los Angeles, là où évolue la superstar japonaise Shohei Ohtani.
La boutique Tsukiji Gindaco est un lieu incontournable pour les fans de baseball au Dodger Stadium à Los Angeles.
Les origines des takoyaki ne remontent pas très loin. Leur ancêtre, datant du début du XXe siècle, consistait en des boulettes de pâte similaires, fourrées avec du bœuf ou du konjac, que l’on appelait rajioyaki (nommés d’après la toute récente merveille électronique de l’époque : la radio). La légende raconte qu’en 1935, un vendeur ambulant d’Osaka du nom de Tokemichi Endo aurait remplacé les morceaux de bœuf par du poulpe, donnant ainsi naissance aux takoyaki tels qu’on les apprécie aujourd’hui.
Les habitués des festivals japonais trouveront bien sûr inéluctablement cette friandise à base de poulpe vendue dans des stands en extérieur, où elle est servie dans des plats traditionnels en papier qui ressemblent à des bateaux, et nappée de sauce et de garnitures. On peut aussi en acheter dans des restaurants qui en font leur spécialité, dans les supermarchés et dans les épiceries de proximité. Mais la chaîne de restaurant de takoyaki la plus populaire reste Tsukiji Gindaco, avec près de 500 établissements au Japon et un nombre grandissant d’enseignes à l’étranger. Yuji Ichimura est chargé de former chacun des employés de Tsukiji Gindaco aux gestes élaborés nécessaire à la préparation de chaque fournée de takoyaki.
L’échoppe Tsukiji Gindaco située derrière les bureaux du siège à Tsukiji accueille une clientèle variée, allant aussi bien des employés de bureau pressés aux touristes étrangers.
Cette cuisine de rue est un excellent en-cas. En train de me régaler des takoyaki de style authentique de Tsukiji Gindaco au coin d’une rue de Tokyo.
M. Ichimura est convaincu que l’attrait des takoyaki tient en premier lieu à leur taille, aux bouchées vigoureuses qu’ils offrent ainsi qu’au fait qu’ils puissent être dégustés aussi bien seul qu’entre amis dans toutes sortes de situations. Leur succès provient également de leurs ingrédients de base simples, à commencer par le poulpe. « Nous avons mené des recherches sur d’autres ingrédients principaux », nous confie-t-il. « Mais le poulpe reste le meilleur. Il cuit très lentement, de sorte que sa saveur n’est pas trop prononcée et se marie à merveille avec la pâte molle. » Les morceaux de poulpe de Tsukiji Gindaco sont plutôt gros, offrant des bouchées consistantes : « Chaque morceau est coupé à la main pour obtenir une taille uniforme », nous explique M. Ichimura.
Yuji Ichimura est chargé de former l’ensemble des cuisiniers qui préparent les takoyaki à Tsukiji Gindaco.
La méthode de préparation semble faussement simple, tout particulièrement quand M. Ichimura nous en fait une démonstration habile. Tout en nous montrant comment procéder, il nous fournit des explications sur les ingrédients et ce qu’ils recèlent. Tout d’abord, la pâte à frire est versée sur la plaque à takoyaki préalablement huilée, en formant des rangées de huit boulettes. Pour ceux qui aimeraient s’essayer à la confection de takoyaki, l’astuce ici est d’avoir une plaque bien chaude. « Cela peut s’avérer difficile à reproduire à la maison, sans équipement professionnel », précise M. Ichimura. « Mais essayez de la faire chauffer le plus possible. Plus elle est chaude, mieux c’est. »
Il a également d’autres conseils pour la préparation de la pâte à frire. « La quantité de farine par rapport à la quantité d’eau selon la recette traditionnelle, c’est-à-dire dans le style d’Osaka, est d’environ un quart », explique-t-il. « Mais nous utilisons un rapport d’environ un tiers, afin d’obtenir une croûte ferme et une épaisseur équilibrée à l’intérieur. Je recommande ces proportions pour les personnes qui souhaitent en préparer chez elles également. Nous ajoutons par ailleurs du dashi, des œufs et d’autres ingrédients dans la pâte à frire. »
La pâte à frire est versée dans les creux de forme ronde de la plaque (à gauche), puis des morceaux de poulpe sont placés dans chacun d’entre eux peu après (à droite).
Après avoir déposé un morceau de poulpe dans chaque creux rond sur la plaque, M. Ichimura y ajoute également un peu de tenkasu (farine à friture pour tempura), de benishoga (copeaux de gingembre colorés en rouge) et quelques morceaux de ciboule. « Le tenkasu absorbe l’huile et aide à épaissir l’intérieur, le gingembre rouge sert à rehausser la saveur avec un goût légèrement acidulé (et à ajouter de la couleur) et la ciboule fraîche apporte de l’arôme et du goût lors de la cuisson » continue M. Ichimura.
L’étape suivante consiste à modeler le mélange de pâte à frire et d’ingrédients pour former des boulettes. « Commencez une fois que la pâte a pris », explique-t-il. « Prenez votre temps et laissez la surface sécher un peu. J’aime attendre qu’elle se durcisse et que la croûte extérieure brunisse légèrement, prenant une couleur marron renard. » Alors qu’il racle l’excédent de pâte dans les creux et qu’il fait tourner leur contenu d’une main experte, chaque takoyaki commence à adopter sa forme et sa couleur caractéristiques. La dernière étape du processus est propre à Tsukiji Gindaco. « Notre touche finale consiste à rajouter de l’huile sur la plaque à la fin, de manière à rendre la croûte croustillante », nous confie-t-il. « Cela permet d’avoir un contraste plus prononcé entre l’extérieur croustillant et l’intérieur baveux. »
Des ustensiles pointus sont utilisés pour rassembler le mélange d’ingrédients en des boulettes et les faire tourner afin de les cuire uniformément de tous les côtés.
L’étape finale consiste à ajouter de l’huile sur la plaque et à faire tourner les takoyaki pour obtenir un extérieur croustillant qui contraste avec l’intérieur baveux.
Une fois que M. Ichimura a terminé de faire tourner les boulettes, elles sont presque rayonnantes, scintillant sous l’effet de l’huile. Il s’empresse alors de les placer huit par huit dans des plats traditionnels faits à partir de minces feuilles de bois. À l’aide d’un pinceau japonais en bois, il les recouvre de sauce, les saupoudre d’algues et les garnit de fins flocons de bonite séchée qui frémissent en refroidissant. Des sachets de mayonnaise sont aussi à disposition des clients pour assaisonner le plat s’ils le souhaitent. Ce sont les takoyaki de style traditionnel tels que proposés au menu de Tsukiji Gindaco. « C’est la version classique, qui a toujours été la populaire parmi celles que nous proposons », commente-t-il. « C’est aussi celle qui rencontre le plus de succès auprès de notre clientèle étrangère. »
Des takoyaki préparés à la façon la plus traditionnelle de Tsukiji Gindaco, garnis de sauce et saupoudrés d’algues et de flocons de bonite séchée.
C’est l’un des quatre piliers du menu de Tsukiji Gindaco, aux côtés des autres favoris qui sont les takoyaki garnis de fromage et d’une mayonnaise spéciale à base d’œufs de poisson épicés, la recette teritama, avec de la sauce teriyaki et de l’œuf, ainsi que les negidaiko, qui sont garnis de ciboule et servis avec du daikon râpé et de la sauce à tempura. Les saveurs des ingrédients principaux étant si subtiles, toutes sortes de garnitures s’accordent avec les takoyaki. Selon M. Ichimura, entre sept et dix variétés figurent au menu à tout moment, y compris des produits de collaboration, dont certains ne sont disponibles que pendant une durée limitée. Le menu est légèrement différent dans les établissements Tsukiji Gindaco à l’étranger, où l’on trouve des garnitures développées localement et d’autres au Japon. « Nous avons développé au Japon un produit appelé Cheese and Guacamole, destiné à être vendu à notre échoppe du Dodger Stadium », nous dit M. Ichimura. « Il s’agit d’une garniture de guacamole et de fromage qui est devenue extrêmement populaire. Nous avons été sollicités pour la rendre disponible au Japon également et l’y avons donc proposée à la vente pendant un certain temps. »
Les takoyaki de Tsukiji Gindaco sont servis avec différents types de garniture, telles que cette version avec de la sauce, du fromage et une mayonnaise spéciale à base d’œufs de poisson épicés (à gauche), ou encore celle-ci avec du fromage et du guacamole (à droite).
La popularité des takoyaki est croissante à l’étranger, et plus particulièrement en Asie. Tous les établissement Tsukiji Gindaco à l’étranger proposent les recettes du menu original, avec les mêmes sauces que l’on retrouve au Japon, mais in y trouve aussi des produits développés pour convenir aux régimes alimentaires locaux, telles que des versions halal. « Lorsque je me suis rendu en Indonésie pour aider à y ouvrir une boutique, je servais toujours les takoyaki classiques avec de la sauce sambal au chili, que les clients locaux ajoutaient souvent par-dessus », explique M. Ichimura. Parmi les autres garnitures originales, on trouve une au fromage et à la sauce salsa, ou encore une au tempura et à la sauce soja, qui sont uniquement en vente au Dodger Stadium.
Il espère voir le succès des takoyaki se répandre au monde entier, par exemple dans le cadre de la culture du divertissement à domicile. Au Japon, les soirées takoyaki sont désormais une façon populaire de partager un moment entre amis ou en famille. De nombreux foyers disposent de leur propre plaque à takoyaki, électrique ou à utiliser avec un réchaud à gaz, style que recommande M. Ichimura. « C’est un moyen amusant de se réunir et de passer un moment divertissant et animé », dit M. Ichimura. « On peut faire preuve de créativité en utilisant de nouveaux ingrédients ou en trouvant de nouvelles idées. On peut s’amuser à voir qui arrive le mieux à leur donner une forme correcte et rire des résultats. »
Un réchaud à gaz peut être utilisé pour chauffer une plaque à takoyaki à la maison, aussi bien pour des réunions de famille que pour des soirées entre amis.
M. Ichimura a un message simple pour les amateurs de takoyaki vivant à l’étranger : « S’adapter aux couleurs locales est une bonne chose dans le cas des takoyaki », affirme-t-il. « Si chacun propose une nouvelle idée de garniture, ou même de ce que l’on peut y mettre à l’intérieur, on finira par voir apparaître de nombreuses variétés très appréciables. Considérez cela comme un défi intéressant à relever, comme ma sauce sambal pour le marché indonésien. Finalement, c’était délicieux ! »