MOSUKE, PASSION JAPON

Inauguré le 1er septembre 2020, MoSuke avait dû fermer le 29 octobre de cette même année pour cause de reconfinement pendant la pandémie de Covid-19. Cela lui suffit néanmoins à obtenir sa première étoile au Guide Michelin dès 2021 ! Focus sur ce restaurant aux influences japonaise, africaine et française dont l'assiette est, selon les propres dires du célèbre guide rouge, « toujours une réussite, inspirée et originale ».

Un métissage singulier et abouti

La nouveauté vient tout d'abord de l’association inédite de trois traditions culinaires maniées avec beaucoup de virtuosité. Prenons un mets incontournable du Sénégal et du Mali : le poulet yassa. Chez MoSuke, on utilise une poularde de Bresse et on remplace le citron (vert ou jaune) par du sudachi ou du yuzu. La recette est la même que pour le plat d’origine, mais c’est au niveau des saveurs que tout se joue ! Le produit de base est d’origine française, l’assaisonnement japonais et la technique africaine. En réalité, la chose est plus complexe et le résultat extrêmement raffiné... Autre exemple : le chef Mory Sacko s’est longtemps demandé pourquoi l’odeur et la saveur du katsuobushi lui rappelait son enfance mais, un jour, il s’est finalement souvenu d'un silure fumé très consommé en Afrique de l’Ouest. Alors parfois, chez MoSuke, on l'utilise au lieu de la bonite séchée pour donner plus de corps au bouillon.

Mory Sacko (c) Chris Saunders

La découverte des délices nippons

Mais d’où vient l'attrait du chef Mory Sacko pour la cuisine japonaise, lui qui est né en France d'une mère ivoirienne et d'un père malien ? Il se souvient que dans les mangas qu'il lisait adolescent, « les personnages n'arrêtent pas de manger et ont un rapport dingue à la nourriture ! ». Et puis : « Mon premier sushi ! Je devais avoir 13 ans. C’était du "cheap", mais pour moi habitué au poisson cuit et au riz bien chaud que cuisinait ma mère, la puissance de la saveur de ce poisson cru... ». Évidemment, la première fois qu’il a utilisé des ingrédients japonais reste gravée dans sa mémoire : « C’était au Royal Monceau où j’étais commis, et on travaillait en alternance pour les divers restaurants, dont celui du chef Nobu. Un jour on me demande de faire de la sauce Black Cod avec du miso et du mirin et ces deux produits ne me quitteront plus ». Chez MoSuke, on utilise donc beaucoup le miso qui est fait maison avec sa propre base de koji ; on ne sale pratiquement qu’avec de la sauce soja qui apporte de l’umami. Les Oshizushi à l’omble chevalier sont un régal, tout comme le sashimi de thon de ligne, attiéké, shichimi togarashi et rayu. La glace au wasabi accompagne la tarte au chocolat de Tanzanie ; celle à l’azuki, poudre de kinako, thé matcha est devenue un classique.

Sashimi de thon de ligne, Attiéké, Togarashi Shichimi, Ra-Yu
(c) Virginie Garnier

Tarte aux chocolat de Tanzanie et Madagascar, glace au wasabi, praliné de grué de cacao
(c) Virginie Garnier

Glace azuki, poudre de kinako, thé matcha
(c) Virginie Garnier

L’incontournable saké

Pour des raisons écologiques évidentes – et quand c’est possible –, MoSuke privilégie les aliments élaborés ou cultivés en France. Si les feuilles de nori et les baies de sansho viennent du Japon, les umeboshi (prunes macérées dans le sel) sont faites maison. Le produit le plus importé chez MoSuke est sans aucun doute le saké, de plus en plus apprécié par les clients et par le chef lui-même tant cette boisson, par sa rondeur et son opulence convient à sa cuisine. Accompagner un mets avec du saké, dit-il, « c’est comme rajouter de la sauce à l’assiette. Et là où le vin bloque – sur le piment ou les épices, très présents dans ma cuisine – le saké fait merveille ». Si peu de clients commandent encore une bouteille de saké, ils le savourent cependant volontiers au verre, ce qui permet, au niveau des accords, d’alterner avec le vin. Une quarantaine de références figure à la carte de MoSuke, ainsi que de l’umeshu et du yuzushu, souvent proposés au moment du dessert.

Le voyage au Japon

En mars 2023, MoSuke s'est refait une beauté. L'établissement est revenu à une ambiance plus chaleureuse et intimiste où les références africaines, japonaises et françaises s'entremêlent dans un ensemble aux tons apaisants, vert amande et vert profond. Le plafond tendu fait comme des vagues, les tasseaux sont travaillés avec un bois de couleur chaude, sculpté comme dans l’art décoratif africain tandis qu'aux murs, le papier peint en fibres naturelles d’abaca donne un côté naturel et végétal qui n'est pas sans rappeler les jardins japonais.

Pendant la durée de ces travaux, Mory Sacko est enfin allé au Japon. Passant du raffinement d’un repas kaiseki dégusté avec des baguettes à la streetfood mangée à pleines dents dans les rues d’Osaka, ces trois semaines entre Tokyo, Kyoto, les régions de Kobe, Hiroshima et Toyama ont agi sur lui comme un révélateur. Marqué par la rencontre avec un chef pratiquant la tempura depuis plus de 40 ans et qui lui a dit qu’il ne s’agissait pas tant de faire frire les légumes que de révéler leur goût par la chaleur, Mory Sacko rêve désormais, un jour, d’ouvrir un restaurant au Japon. Son ambition est d'avoir accès à tous les produits japonais et de bénéficier de l'enseignement de maîtres qui puissent lui transmettre leur savoir-faire et cette philosophie culinaire unique au monde.

(c) Virginie Garnier

MOSUKE
11 rue Raymond Losserand
75014 Paris
lundi au vendredi de 12h15 à 14h00 et de 19h30 à 21h00
https://mosuke-restaurant.com/
@mosuke.restaurant
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